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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 16:24

 

Prologue

 

 

 

 

 

 

                            Dans nos provinces, dans chaque famille ou l’un des membres décédait, la coutume était de veiller le mort. C'est-à-dire de ne pas le laisser seul jusque son départ pour la cérémonie à l’église. Parents et amis se partageaient la veille avec au minimum deux personnes ensemble, jamais une seule, plus à la rigueur. Le plus souvent c’était pour une nuit entière en fonction des personnes disponibles. D’une façon générale, ce n’était pas gai et la nuit paraissait interminable malgré les coups de café fort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le défunt

 

 

 

 

                            Dans la pièce principale de la maison qui servait de cuisine, de salle à manger et de chambre car il n’y en avait pas beaucoup, juste deux pour les enfants, un débarras faisant office de cabinet de toilette et à droite l’escalier pour accéder au premier. Tout au-dessus le grenier dont l’entrée se faisait par une trappe à l’aide d’une échelle, toute une gymnastique.

         En entrant, on se trouvait devant le lit, près duquel se trouvait un chevet où table de nuit comme on l’appelait le plus souvent. A droite, une grande table avec en bout le siège du père, (patron à l’époque où il régnait encore) et derrière lui l’évier. Un banc de chaque côté de la table. En bout du lit un meuble pour ranger la vaisselle

         Le mort reposait sur ce lit vêtu du costume du dimanche, celui qu’on ne mettait que dans les grandes circonstances, c’était de coutume, il devait partir avec. Mains jointes sur le ventre, visage blanc, certes, mais emblait si calme, ayant oublié tous les soucis de la vie quotidienne. Il semblait se reposer en paix après une vie laborieuse.

         Contrairement à beaucoup d’autres, ceux qui étaient enterrés en passant par le service religieux, pas de récipient d’eau bénite ni de branche de laurier pour bénir le corps. Suivant ses dernières volontés, enterrement civil. Vieux laïque, le curé n’était pas de ses amis.

         On ne sait pas exactement pourquoi il avait mis fin à ses jours. Ho ! bien sur, dans le village chacun croyait tenir la vérité et les potins par le bouche à oreille se répandent très vite tout en se déformant à chaque transmission jusqu’à frôler la délation.

         Une chose certaine, il boitait bas à la suite d’une blessure de guerre en 1914 et souvent disait en faisant des grimaces :

- J’ai mal à ma patte ou ma patte me fait mal.

Il s’asseyait pour récupérer un peu ou rentrait à la maison en attendant que cela aille mieux.

         Les bruits disaient autre chose, sa femme était très dure avec lui, et le privait de sa petite goutte dans son café, elle cachait la bouteille, elle rouspétait souvent après lui, mais de là à se suicider ?

         Le pire c’est que, elle ne se gênait pas pour le faire en face de ses enfants ou des gens, doublement vexant pour quelqu’un qui avait de l’autorité autrefois.

 

 

         Pas souple le pauvre vieux et pourtant il avait escaladé l’échelle pour accéder au grenier dans lequel il s’était pendu sans laisser d’explications. Il disparaissait en silence sans dire adieu.

         La famille prévenue accourait en fonction de leurs occupations. On essayait de trouver la raison de son geste mais rien ne venait à l’esprit. C’est difficile quant on ne se rend pas compte de la dureté de ses gestes ou de ses paroles au moment où elles sont prononcées. Personne ne se sent coupable et le mystère ne sera jamais éclairci. Après tout n’était-il pas un peu dépressif ?

         Les voisins défilent pour présenter leurs condoléances et offrir leur aide si nécessaire. Certains s’offrent pour veiller. Alors la patronne qui a maintenant tous les pouvoirs établi la liste et les heures pour les deux nuits. On essaye de concilier mais la façon dont c’est dit, cela ne permet pas de discuter beaucoup. Dans la famille, pas beaucoup ne sont chaud pour la corvée, et c’est comme ça que pour la deuxième nuit de veillée, deux beaux frères se retrouvent ensemble avec deux voisines pour passer la nuit, de neuf heures du soir à sept heures du matin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les préposés à la veillée

 

 

         Tout d’abord, les deux beaux frères. Ils ont épousé les deux sœurs et sont encore bien jeunes, vingt six et vingt huit ans.

         Tout d’abord : Robert vingt huit ans , petit marrant, sans être gros est un peu dodu, bonne bouille ronde, aime vivre, peut être pas un grand séducteur et on se demande si sa femme est très amoureuse, bah ! Il a l’air de s’en contenter.

         Pierre, vingt six ans a épousé la cadette, plutôt un tantinet séducteur sans pour cela aller voir ailleurs si c’est mieux sa femme a l’air d’être plutôt amoureuse aussi de sorte que rien ne permet de penser à autre chose.

         Quant aux deux voisines, ils les connaissent, disons un peu, juste pour dire bonjour sans avoir jamais tenu une discussion à bâtons rompus. Au point de vue âge, peut-être à peu près d’âge égal aux alentours de la cinquantaine, pas facile à dire, mais bien conservées.

         L’une, Amélie, plutôt petite et potelée et ne semble pas engendrer la mélancolie. Une bonne paire de fesses, une poitrine du genre opulente sans exagération, de quoi peloter pour son mari. Lui ! Parlons-en un peu, parce que c’est tout le contraire d’elle, grand, très grand et mince, ce serait marrant de les voir faire l’amour, il doit se casser en deux, couchés l’un sur l’autre, elle doit avoir le nez dans les poils de la poitrine, pas facile pour lui prendre les lèvres. Il est un peu taciturne alors que elle semble bien gaie, Bah ! Ca doit s’arranger puisqu’on n’en parle pas dans le voisinage.

         L’autre, Angèle, plutôt grande sans exagération non plus, un peu mince, pas mal du tout, par contre elle fait un peu distinguée, on aurait tendance à garder ses distances, sympathique quand même. Son mari ? Alors là, encore un contraste, plutôt petit, en amour, ce serait bien le contraire, c’est lui qui aurait le nez entre les seins, ce serait déjà mieux. Il est assez difficile d’imaginer leurs rapports amoureux, ne pas se fier aux apparences. Il est cadre dans un établissement de la marine. Comme tel, aurait tendance à marquer son rang sans être asocial.

         Comme toutes les femmes de l’époque, aiment bien bavarder entre elles pour passer le temps, d’autant plus qu’elles ne travaillent pas (comme il est de coutume, la femme au foyer), pas de télé, pas de voiture, il faut s’occuper comme on peut.

         Que sera cette si longue veillée ?

 

 

 

 

 

 

 

 

LA VEILLEE

 

 

                   Pour neuf heures du soir les veilleurs et veilleuses sont là. La veuve fait un semblant de présentation puisque tout le monde se connaît, mais ne se saute pas au cou. Tout le temps que la maîtresse de maison est présente, elle bavarde surtout avec les femmes, elle leur donne la consigne pour le café le manger si quelqu’un a faim etc… Puis les deux veilleuses mine de rien la pousse à aller se coucher :

- Mais oui Madame DUVAL, on va se débrouiller, allez vous coucher, vous devez être très fatiguée avec des corvées comme ça.

         Après un bonsoir, elle grimpe l’escalier et va se coucher dans l’une des chambres.

         Comme par hasard, les femmes sont chacune d’un côté de la table et les hommes aussi, de sorte que Robert est près de Angèle et en face, Pierre près de Amélie.

         Oh ! Que c’est dur de créer l’ambiance, quoi dire et que faire, parler, on n’ose. C’est Amélie qui attaque timidement et parle bas.

- C’est un grand malheur.

- Oui, il n’était pas si vieux.

- C’est un coup dur pour la famille.

- Pourquoi il a fait ça ?

         Personne ne se livre, ce sont des paroles dites du bout des lèvres comme des gens qui ne pensent pas ce qu’ils disent. Et puis le naturel prend le dessus :

-Et pour vivre, qu’est-ce qu’elle aura la mère DUVAL ?

- Son mari était en retraite, elle en aura la moitié.

- Il ne devait pas avoir une grosse pension.

- C’est toujours mieux que rien.

- Oui, mais ce sera dur.

- Il y en a d’autres qui n’ont pas plus.

- Oui, et puis à la rigueur, elle a des enfants qui ont une situation et pourraient lui venir en aide.

- Je ne crois pas que ce soit la femme à demander de l’aide à ses enfants.

Ce sujet semblant épuisé :

- Si on prenait un coup de café ?

Chose dite, chose faite et Amélie s’en charge.

- Ca fait du bien, il est bien chaud et il est fort.

- Il faut ça pour tenir toute la nuit.

- Moi, en temps normal je le fais moins fort, surtout que j’en bois pas mal.

- Moi aussi.

En faisant signe du menton vers l’étage :

- J’espère qu’elle dort, qu’elle ne nous entend pas.

- On ne parle pas fort.

         Et maintenant qu’est-ce qu’on va se dire ? C’est encore Amélie qui attaque :

- Ca ne fait rien, on se demande ce qui l’a poussé à se donner la mort ?

- Ha ! On ne le saura certainement jamais.

- Il souffrait.

Sa femme ne devait pas être si gentille que ça avec lui.

On le dit, mais comment savoir ?

Ce n’est pas pour ça, c’était un bon bonhomme.

- Oui, très bon, rendant service.

- Oui, oui, mais, mais…

- Mais il était autoritaire, d’accord mais…

- Oui, mais sur les fins, elle n’avait pas peur de lui.

         Beaucoup de sous entendus, elles voudraient bien en dire plus mais les beaux fils qu’est-ce qu’ils vont penser ?

         Les beaux fils ? Ils suivent la conversation et leur visage miment les paroles comme celui des femmes. Ils n’ont pas l’air d’être offusqués, ils se marrent peut être intérieurement.

         Le temps ne passe pas très vite parce que la conversation est morose et monotone.

- Si on reprenait un coup de café ?

- C’est ça Amélie allez-y.

         Celui-la va dérider, bien arrosé d’un coup de calvados, il va agir.

- J’y pense, elle, elle était hargneuse après lui, elle était peut-être en mal d’amour, avec son handicap il ne pouvait peut-être la satisfaire ?

- Dans ce cas là, elle aurait pu faire comme la BELHOMME.

         Devant la mine interrogative des beaux fils, Amélie dit :

On va vous raconter :

Dans le village, il y a une femme veuve avec plusieurs enfants et qui a de la misère à joindre les deux bouts. A côté, un couple de personnes d’un certain âge. La femme est une vieille acariâtre qui ne pense qu’à crier après son bonhomme.

Le pauvre, encore bien conservé n’a plus l’occasion de faire l’amour.

         Quoi de plus normal que une femme et un homme privés de relations amoureuses pour une raison ou une autre ne se rejoignent pas quelque soit la différence d’âge si le besoin s’en fait sentir.

         Donc, deux ou trois fois la semaine, le vieux mâle franchit la clôture et avec la veuve s’en donne à cœur joie. Seulement la veuve réclame son du. Comme elle a de la misère à joindre les deux bouts, la monnaie sonnante et trébuchante ferait son affaire, mais, le pauvre homme n’a pas accès au porte monnaie. Qu’à cela ne tienne, il va payer en nature, après avoir tordu le cou à une volaille, il l’emporte à sa maîtresse.

         Seulement le lendemain matin, sa femme allant soigner les poules comme à l’habitude les compte et s’aperçoit de la disparition d’une poulette :

- Dit donc Philippe, ce matin, il manque une poule.

- Ah ! Il doit y avoir des renards dans le coin.

- C’est bizarre je n’en ai pas entendu parler.

- Ils ne s’annoncent pas à l’avance.

         La même opération se répétant assez souvent, la femme s’étonne sérieusement.

- Le renard ne doit pas avoir quatre pattes, il n’y a pas de traces.

         Maline, elle monte une surveillance discrète et ce qui devait arriver arriva, le renard à deux pattes fut dépisté. Enorme scène de ménage et le pauvre vieux se trouve complètement prisonnier. Dans le village, l’affaire fût longtemps racontée et enjolivée.

         L’ambiance est créée, les deux femmes, se relayant s’excitent pour enjolivé la scène et ça repart pour une autre :

Et la Rosalie avec le facteur, eux ne se cachent pas beaucoup, plusieurs personnes les ont vus.

C’est comme la Germaine, avec son air de ne pas y toucher, le boucher va bien souvent chez elle.

         Et ainsi plusieurs autres y passent. Les deux femmes, les yeux vifs, vivent les amours illégaux, s’excitent à en parler, le rose apparaît sur leurs joues. Pierre en fin observateur l’a remarqué :

- C’est très amusant, on ne s’ennuie pas dans le village, presque toutes les femmes ont un amant ou tout au moins prennent du bon temps de temps à autre. Et tout cela ne vous incite pas à en faire autant ?

         Tout d’abord, un regard interrogatif, puis une moue.

- Vous Amélie, par exemple, vous n’êtes pas tentée ?

- Je n’y ai jamais pensé et mon mari semble me surveiller, le soir il me questionne sur mon emploi du temps.

- Et vous Angèle, vous n’avez jamais donné un coup de canif dans le contrat ?

- Non, mon mari est trop pointilleux pour son honneur, ce serait une catastrophe s’il l’apprenait.

- Vous n’avez pas à le lui dire, voyez-vous toutes les deux, c’est peut-être l’occasion qui ne s’est pas présentée.

         Elles sont un peu gênées, mais pas outrées, cela laisse des doutes. Amélie s’est légèrement tournée vers Pierre et lui vers elle de sorte que les genoux sont bien prêts d’entrer en contact.

- Bon, franchement, vous êtes encore jeunes et surtout bien faites, vous tentez encore, si un beau garçon, assez jeune mâle vous proposait une bonne partie d’amour, vous refuseriez ?

         Elles sont écarlates, en pleine frénésie, Pierre établit le contact des genoux et elle le conserve.

 

 

- Qu’en dites-vous ?

         Elles balbutient plus qu’elles ne parlent.

- Evidemment, ce serait tentant mais jamais une occasion comme ça ne se produira, ce n’est pas la peine d’y penser.

         En mettant sa main sur le genou de Amélie, Pierre dit :

- Je vais vous mettre au pied du mur. Je vous propose, si vous jugez que je peux être celui qui pourrait vous faire flancher, de faire l’amour avec chacune de vous deux et immédiatement, votre réponse ?

         Pierre caresse le genou en douceur. Elles sont cramoisies. Amélie levant des yeux consentants balbutie :

- Oui.

- Bon, Amélie et mois, nous allons dans le cellier à côté, vous deux débrouillez-vous, après nous ferons l’échange.

         Dans le cellier, dans le noir le plus complet, Pierre adosse Amélie sur l’échelle inclinée donnant l’accès au petit grenier, lui colle la bouche sur la sienne pour un bon patin. D’abord hésitante, elle se lâche et en avant et ma langue et ta langue. Elle en raffole. Pierre remonte la cuisse, enlève la petite culotte, pelote ses fesses assez opulentes et bien rondes. Tout y passe, seins voluptueux, et, prise de la citadelle. Elle frémit de tout son corps et se donne à fond.

         Pendant ce temps, Robert et Angèle ne pouvaient faire autrement que d’emboîter le pas. Elle allongée sur le banc, les jambes relevées semble apprécier. Certes, ils prennent du plaisir mais ce n’est pas la frénésie de Amélie.

         Puis c’est le retour du couple partit dans le cellier. Les mines sont réjouies. Les dames gloussent de plaisir, l’une comme l’autre avec leur mari n’avait atteint un tel degré de jouissance au point que le plaisir dure après encore un bon moment.

         C’est au tour du café d’entretenir la forme. On ne traîne pas, vite à la deuxième phase.

         Pierre emmène Angèle dans le cellier et la plaque sur l’échelle. Il la sent un peu rigide, il faut tout faire pour la décontracter. Alors en avant le baiser fougueux et sans relâche, il la sent mollir, entre chaque baiser, elle reprend son souffle. La main remonte ses longues jambes en douces caresses jusque ses petites fesses. Pas la peine d’enlever la petite culotte, elle ne l’a pas remise. Ses seins plus petits sont adorables et tout comme pour Amélie, la panoplie y passe. Son visage d’ange pudique se transforme. Ses yeux avides de plaisir, ses joues rougies, ses frémissements, tout son corps en redemande.

Elle a sans doute, plusieurs fois espéré autre chose que le coutumier avec son mari, elle réalise un de ses fantasmes.

Insatiable, elle murmure : encore, encore et Pierre obéit, il n’aurait jamais pensé ça.

 

 

 

         Tout se termine pour les premières lueurs du matin. Les sourires furtifs sont significatifs, une veillée comme ça, on en ferait bien une par semaine.

Les deux femmes, maintenant complices, se sourient.

- Ca change de l’ordinaire, je n’avais jamais en autant de plaisir.

- Moi de même, pour une gourmandise, c’est une délicieuse gourmandise qui laisse baba…

 Mais Angèle se demande si la veuve a pu entendre quelque chose.

         La veuve, arrivant les yeux gonflés efface les doutes, elle devait bien dormir.

         Les veilleurs font semblant d’être exténués et reprennent un air triste comme si ils l’avaient gardé toute la nuit.

- Vous devez être très fatigués, une nuit entière comme cela.. Grand merci pour votre dévouement. Vous prenez le petit déjeuner et vous partirez après, les suivants ne vont pas tarder à arriver.

Quant au mort, il n’en souffle mot.

 

 

 

 

 

 

 

 

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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 16:19

 

CHAPITRE  I

 

 

 

 

LE GRAND SAUT

 

 

 

 

            A la fin du voyage dans le monde des adultes, on vous dépose sur le quai de la gare, certes le plus souvent avec des fleurs.

            En effet, une collecte est faite parmi les collègues, on organise un pot, on donne le petit cadeau et on a le droit au petit discours. Comme on ne peut pas dire à certains : bon débarras, on se contente de quelques brèves paroles, pour un petit chef, c’est un peu plus long et pour un grand chef, c’est un laïus, on perd l’homme de la situation, irremplaçable et pourtant la boite tournera quand même.

A tous :

- Nous avons apprécié vos bons et loyaux services, revenez nous voir, cela nous fera plaisir et vous serez toujours bien accueillis.

Après les applaudissements :

- Je ne croyais pas être si bien vu.

            On trinque, on blague, voir on chante mais ce sera après que l’on déchante. Peut-être que sur le coup tout le monde pense vrai mais peut de temps après c’est oublié.

            Par exemple, dans l’enseignement, on vous dit :

- Aux examens, nous aurons besoin de vos lumières pour les corrections, ce serai bien de venir nous épauler, votre expérience sera un plus pour nous.

            Vous n’irez pas longtemps, on vous fera vite comprendre que vous n’êtes plus dans le bain.

 

Histoire vraie :

            Il était une fois, dans une école d’apprentissage dite « Ecole Pratique »où on préparait le Brevet Industriel, certes d’un bon niveau et par un professeur de valeur, âgé et très imbu de sa personne. A ce moment, l’enseignement technique prenait un nouvel essor dicté par de nouvelles façons d’enseigner en fonction des progrès réalisés dans l’industrie, tels que en chaudronnerie, on passe du rivet à la soudure dans les assemblages. On pourrait comparer l’évolution comme de passer de la Royauté à la Démocratie. On met le brave homme en retraite et on engage de jeunes professeurs.

- Monsieur X, nous avons pu apprécier pendant de longues années votre savoir faire, vous avez formé de nombreux jeunes devenus des ouvriers cotés et recherchés. C’est avec beaucoup de regret que nous vous voyons partir, soyez assuré que nous vous regretterons. Nous espérons votre présence aux corrections des examens.

            Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Dés la première correction il est là, en inspecteur. Il n’a pas perdu son esprit dominateur : c’est moi qui dirige. Il s’attribue le grand rôle à la barbe des autres profs. Pour lui, il n’y a que le rivet qui compte, la soudure, il ne la connaît pas, on n’en parle pas. Il juge, il note et n’admet pas la contestation. Il était resté dans l’autre monde. Sa coopération n’a pas duré longtemps.

            En ce qui concerne la visite aux copains sur le lieu de travail, là aussi ce sera assez bref. A la première, tout va bien :

- C’est sympa d’être venu, comment ça se passe la retraite et on bavarde un moment.

A la deuxième, c’est plus bref, attention, surtout n’essayez pas de donner un conseil. A la troisième,

- Il se croit irremplaçable.

Les copains se planquent ou :

- Tu m’excuses, mais j’ai un boulot à finir pour ce soir, je fonce, tu reviendras une autre fois.

            C’est très bien compris et la prochaine fois ne viendra jamais. Vous avez quitté la boite, vous n’en faite plus parti, vous n’avez rien à faire ici. Vous avez quitté le monde du travail, vous ne lui appartenez plus. La cloison est dressée, à vous le dernier voyage, objectif : la mort. (Pas trop tôt quand même).

            Avant la retraite, on s’est fixé des objectifs tels que rénover la maison, refaire peintures et tapisseries, ranger la cave, etc… Certains prennent une année sabbatique, autrement dit une année de vacances, aller voir parents et amis et faire quelques voyages, de plus maintenant nous allons prendre des vacances tous les ans.

            Bien vite, on va constater que le temps passe plus vite que dans la vie active, on n’a pas le temps de faire ce qui était prévu. Il se peut aussi que l’on pratique des occupations qui n’étaient pas prévues au planning. Par exemple écrire sa vie, écrire des poèmes, voir des histoires si on se sent venir des dons d’écrivain. Et pourquoi pas la peinture. D’autres adhèrent à des organisations à qui ils apportent leur savoir faire et leur temps.

            Le dernier voyage, on pourrait dire : il sera ce que l’on veut en faire, non, il sera ce que on pourra en faire en fonction de sa tête et de sa santé.

            La tête, c’est ce que l’on pense, ce qu’on voudrait faire, c’est l’aptitude à réagir en fonction des évènements. C’est savoir résister à l’indifférence des autres, à ne pas vivre en se renfermant sur soi-même ce qui est catastrophique. Oui, il y a une tendance de la part de certains actifs à ranger les vieux au rayon des antiquités. Il faut réagir et mener un combat contre cette indifférence et tenter de maintenir le contact, faire voir qu’on a toujours sa place dans la société. Le plus grave, c’est si la tête vieillit la première, le reste suit très vite. Il faut occuper son cerveau, il faut le faire travailler, il faut vouloir rester jeune, il faut avoir en permanence des projets, éviter de toujours penser : vu le temps qui me reste à vivre….

 

 

            Il faut entretenir le plaisir de vivre, lorsqu’il n’y en a plus tout est fichu, c’est ouvrir en grand la porte à la sénescence, c’est le vieillissement prématuré des tissus et de l’organisme. Quelque chose qui est très néfaste, c’est de rabâcher sans cesse ses malheurs, chez soi et encore plus lorsque des vieux se rencontrent dans la rue ou en réunion, ils se quittent encore plus démoralisés ou bien chacun se console en pensant que le copain est plus malade que lui.

            La santé, elle décide si on peut faire ce que l’on voudrait faire, ce sera souvent une opposition où une entrave obligeant à se modérer. Force est de constater que d’une façon générale, on ne guérit plus nos maux mais on les stabilise ce qui fait qu’ils s’ajoutent les uns aux autres, que le nombre des médicaments augmente plus on avance dans l’âge. Calamité dénoncée par pas mal de gens, les vieux coûtent trop cher à soigner, ils sont trop nombreux, ils ruinent nos caisses de retraite, nous n’aurons plus rien à notre tour, ils ruinent la sécurité sociale. Force est de constater que ces gens ne savent pas ce que c’est que d’être vieux n’étant jamais passé par là.

            Il y a aussi l’imprévisible : l’accident qui peut nous rendre complètement dépendant, la maladie incurable, l’usure des articulations avec la pose de prothèses etc… sans oublier le plus demandé, la mort subite.

            Le dernier voyage a une période que j’appellerais étape, c’est celle qui concerne les premières années de retraite, on pète encore le feu, nous sommes toujours disponibles, ce sera sans aucun doute la plus belle. Les étapes se succèderont en fonction du moral, de sa santé. Mais quoique l’on dise, quoique l’on fasse elles se succèderont en fonction des coups de vieux, ça ce n’est pas prévisible. Un beau matin, on constate que la fatigue vient de plus en plus vite etc… Dans ce cas, il faut adapter un nouvel emploi du temps

            Certains, inquiets de partir en retraite perdent le nord et prennent d’entrée un bon coup de vieux, ils ne se font pas à l’idée qu’il faut s’arrêter un jour, se croient irremplaçables. Ca, c’est très grave pour les jours qui suivent. C’est l’ennui, la dépression et la mort en quelques courtes années.

            Chaque coup de vieux fait le vieillard et mène à ce qu’on appelle la sénescence, il arrive sans crier gare.

            Lorsque l’on est en active, nous avons un emploi du temps, que l’on respecte scrupuleusement, que ce soit au travail ou à la maison, il faut faire pareil en retraite, avec une variante, on prend le temps pour tout, quitte à remettre au lendemain ce que l’on n’a pas pu faire au jour prévu. Le moral n’en sera pas atteint, bien au contraire.

 

 

            Après toutes ces considérations, il est temps que je fasse partager les quelques années déjà passées dans le grand âge.

            Après un pépin qui aurait pu m’envoyer plus tôt que prévu au royaume des morts (à 46 ans), j’en arrive à mon départ en préretraite à l’âge de 58 ans. Départ conforme à ce que j’ai déjà exprimé plus haut.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE  II

 

 

 

 

MON DERNIER VOYAGE

 

 

            Premier Octobre 1982, cinquante huit ans aujourd’hui, départ en préretraite pour deux ans et ensuite la retraite.

Ci-dessous, la situation au départ de mon dernier voyage.

            Etat d’esprit : comme tous ceux qui profitent de ce dégagement, c’est un soulagement de quitter le vaisseau qui s’enfonce. En effet, la débâcle s’annonce avec l’arrivée de nouveaux profs favorables à l’autodiscipline, le matériel est massacré, c’est le bordel. Dommage pour les élèves qui vont s’engouffrer dans cet ouragan alors qu’ils étaient encore bien disciplinés.

            Etat physique : je serais tenté de dire bon pied bon œil. La vérité est quand même toute autre. Depuis une opération du pancréas en 1970, la santé va avec des hauts et des bas. Régime très strique, aucune matière grasse, pas de calories pour lutter contre le froid, donc plus fragile, même pas un petit beurre, ni alcool, même pas d’eau rougie et impossibilité de faire de gros efforts, on m’avait donné un an à vivre, c’est comme à la météo, on peut se tromper, on s’adapte et je ne me plaints pas. Depuis quelques petites années, je souffrais de mal dans les épaules. Infiltrations et anti inflammatoires, rien ni fait définitivement. Le docteur veut m’opérer des deux épaules, dans ce cas, je sais très bien que j’en souffrirai toujours. L’idée me vient d’acheter une épolochaud, sorte de petit gilet à vêtir sur ses épaules pour réchauffer les articulations, miracle tout cesse et aujourd’hui je ne suis toujours pas opéré après une trentaine d’années. A part cela, tout va très bien Madame la Marquise. Comme tout le monde, les rhumes, grippes et angines. J’essaye de vivre comme tout le monde en cachant mes ennuis et garder le sourire comme quelqu’un heureux de vivre et c’est vrai. Le pas est alerte et pas d’essoufflement. Malgré le régime, l’appétit est bon, les digestions plus difficiles mais bah ! On fait avec. Evidemment il y a la dose de médicaments journalière et à vie

            Situation matrimoniale : Après la mort de ma femme en 1977, remarié en 1978 avec une vieille fille de 56 ans, donc, plus seul. Je suis propriétaire du pavillon où nous habitons, nous possédons une voiture.

            Voici pour le départ. En ce qui concerne l’arrivée, une grosse difficulté, ça ne peut pas se terminer avant la mort et on ne sait pas à quel moment. Une fois mort, je ne pourrais décrire l’arrivée. Cependant je vais commencer par la fin, par ce qui devrait se passer.

            Ma femme et moi, depuis plusieurs années déjà, nous avons réglé avec les pompes funèbres le scénario et payé les frais. Ce sera civil et incinérés (comme je suis frileux) au four crématoire le plus proche au moment du décès (encas de décès par accident au cours d’un déplacement par exemple) et dispersion des cendres au jardin des souvenirs, comme cela il ne restera plus rien, pas de tombe à entretenir ni de fleurs à déposer sur la tombe. De plus, pas de pollution et l’herbe poussera mieux En guise de souvenir, des photos parlent mieux, ainsi que des anecdotes amusantes et défense de pleurer. J’ai fait mes dernières volontés sous forme de poème.

            Je dis toujours que je vis au jour le jour, ça va, on en profite. Mais j’ai toujours des projets comme si j’allais vivre éternellement, par exemple, je suis un vin qui paraît-il est grès bon et se conserve bien, j’en achète tous les ans pour ne les donner à boire que dans une dizaine d’années.

 

MES DERNIERES VOLONTES

 

Je soussigné

Moi, être humain

De corps et d’esprit sain

Déclare, vouloir en bonne santé, mourir

En vertu du droit de disposer de ma vie, choisir

Mourir avec le sourire

Et non pas mourir après le pire.

 

En conséquence :

En cas de maladie, opération ou accident

Devant conduire à la déliquescence

Donc à la dépendance,

J’exige que l’on me donne la possibilité

Si mon état le permet

De mettre fin à mes jours ;

Dans le cas contraire

J’exige que quelqu’un me supplée

Et que aucune poursuite ne soit engagée

Envers celui ou celle venu à mon secours (1)

 

Epilogue :

Evitant la déchéance et les souffrances (2)

C’est par avance une délivrance.

Donc, célébrer ma mort dans la joie

Bien arrosée et tant pis pour la crise de foie.

 

Considération :

Il faut mourir un jour

Pourquoi ne pas éviter une fin humiliante

Où l’être humain est réduit à une chose insignifiante

Très souvent gênante ;

Où est l’intérêt de prolonger un lambeau d’être humain ?

De soigner un être sans vie

Est-ce cela être humain ?

Est-ce respecter la vie ?

Non, pour moi, c’est autre chose

Il faut choisir le jour

Un vieux, mort, au visage frais, repose

Donne l’impression de partir

Avec le sourire.

 

(1)   Secours : dans le sens de me venir en aide pour mourir puisque tel est mon désir.

(2)   Souffrances : Morale et physique.

 

 

      Comme tout le monde, j’ai fait beaucoup de projets, notamment, avec ma sœur et mon beau frère qui est également en retraite, pour sortir ensemble. Hélas ! ayant bien à faire avec leurs deux petites filles d’âge scolaire, très souvent ils doivent les conduire à l’école et être de retour pour 16h afin de les prendre à la sortie, ce qui réduit sérieusement le temps de sortie. Les départs le matin avec retour le soir seront très rares.

            J’ai décidé de prendre une année sabbatique, donc ne rien entreprendre pendant un an, sortie tous les jours, le matin pour les courses et l’après midi sortie. Les sorties en question se borneront aux visites dans la famille notamment au beau père, tous les matins en faisant les courses et assez souvent l’après midi pour ne pas le laisser seul et aux amis, s’ajoutent les invitations et réceptions.

            Ne pas oublier les enfants et petits enfants, certes, ils ne sont pas à côté, raison de plus pour voyager à NANTES où la famille réside.

            Certes, jusque maintenant, ce n’était sur le temps déjà passé, la traversée du désert et j’espère que ce ne le sera jamais, mais, il est utile de ménager des oasis, là où on trouve la fraîcheur (j’en parlerai un peu plus loin).

            L’hiver où les jours sombres et pluvieux engendrent la mélancolie, nous la combattons en allant chercher la présence humaine aux bars restaurants par-ci par-là et notamment à « La Flambée » qui se trouve être prés d’une grande surface, où tout le monde est très sympathique. Nous y allons au moins trois fois la semaine. Aux beaux jours, nous allongeons la sortie à des bars plus éloignés. Cela n’empêche d’avoir des coups de blues aux jours les plus sombres et notamment à la toussaint ce qui m’a amené à écrire des poèmes quelques temps plus tard.

 

            Voici un extrait d’un poème sur la pluie :

 

Pluie, tu n’es plus divine

Lorsque avec les rivières tu t’acoquines

Lorsque les chemins tu ravines

Lorsque à envahir les immeubles tu t’obstines

Lorsque le printemps tu ruines.

 

Pluie chagrine

Parfois tu nous déprimes,

L’ennui suinte en nos âmes

En nous s’éteint la flamme,

Lorsque tu cingles les vitres avec ivresse

Tu transformes l’espoir en tristesse,

Jour à se morfondre

Lorsque le jour et la nuit se confondent,

Lorsque le jour se transforme en chapelle ardente

Alors c’est la tête des mauvais jours

Les mauvaises pensées se font jour

Et nous te maudissons.

 

Il est bien évident qu’on ne peut pas éviter tous les jours de pluie, mais il faut éviter de rester seuls ces jours là. Plus facile à dire qu’à faire. En somme, toutes les personnes âgées appréhendent les mois d’hiver sombres et courts. C’est pourquoi j’ai composé un poème que voici sur Novembre.

 

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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 16:15

 

            Mois sombre,                                                  Du répit, on en aurait besoin

            En son premier jour                                         Peut-être à la SAINT MARTIN ?

            Tous les Saints sont honorés ;              Son été ferait du bien

            En son deuxième jour                                      Si un beau matin

            Aux morts vont nos pensées.                           Se trouvait sur notre chemin.

 

            Dés que Novembre s’annonce             Mois de solitude

            La pensée devient sombre                               Journées lugubres

            En prévisions de jours à se morfondre  Tout comme les vitres couvertes de buées

            De maladies en suspens,                                  Les yeux par les larmes sont embués.

            A la mort on pense,

            Par qui ça commence ?                                   Premiers frimas ;

                                                                                  Les nez rougissent

            La pluie de l’automne                                      Les pieds s’engourdissent

            Sur les vitres résonne                                       Il faut poursuivre son chemin de croix.

            Sur les visages dégouline

            Dans la tête ravine.                                          Les cloches sonnent le glas

                                                                                  Demain dans la presse, les remerciements

                                                                                  Au suivant.

 

            A chaque vacance, nous continuons d’avoir les trois petits enfants à la maison. Aux grandes nous les avons un mois et l’autre, ils le passent avec les parents. Trois, cela fait du travail surtout lorsqu’ils sont petits mais en grandissant, cela devient plus délicat.

            Petits, nous les emmenons, l’été à la mer sans oublier la campagne, mais chaque après midi, c’est le goûter dans un bar, pain au chocolat et jus de fruit. C’est le moment le plus attendu par eux. Nous leur apprenons à laisser la table propre pour partir. En arrivant, chacun d’eux reçoit un essuie tout pour mettre sur la table, par hygiène et pour ne pas salir la table et pour partir, tout est ramassé dans un sac plastic que nous emportons pour notre poubelle et cela marche très bien. En vieillissant, vers les 14, 15 ans, ils ont l’air de s’ennuyer, c’est le moment de leur dire :

- Si vous, vous ennuyez avec nous, il faut rester avec vos copains, je ne veux pas vous obliger à venir de force, c’est à vous de décider.

            Et c’est comme cela que ça s’est terminé, bien contents de rester avec les copains nantais et leurs habitudes. Pour des ados, la compagnie des vieux ce n’est pas le rêve et je le comprends bien.

            Depuis la retraite, nous prenons nos vacances en juin, moins chargé en vacanciers et jour plus longs.

            Au point de vue santé, dans le début de la retraite, la Marquise est prise de douleurs dans les os et avec une radio, le docteur diagnostic la maladie de la Paget (du nom du docteur qui l’a découverte), médicaments et, conséquence plus de travaux de force tels que aspirer les poussières etc… Nous sommes bons pour prendre une femme de ménage.

            En ce qui me concerne, ne pouvant plus jardiner, je mets le jardin en pelouse et je garde simplement les deux plates bandes pour les fleurs. Une crise de lumbago me cloue au lit pour quelques jours avec visite du docteur. Mais le plus grave, c’est le fameux mal de dos, les lombaires. Cela fait très mal la nuit lorsque je suis couché mais j’en trouverai la cause après avoir tenté la relaxe et la planche dans le lit. La cause : depuis je suis remarié, nous regardons le soir la télé assis dans le divan et le mal vient tout simplement de ce foutu divan.

 

 

            Achat de fauteuils Voltaire et le tour est joué mais je ne supporte pas le couchage dans n’importe quel lit.

            Un copain de rencontre me parle de recherches généalogiques et cela me tente. Donc à mon tour je plonge et ma foi j’y trouve beaucoup d’intérêt. Un ennui, au fur et à mesure que j’avance il me faut me déplacer et ça va poser un problème. Ma femme dite la marquise qui ne s’intéresse à rien, ne veut rien entendre et s’il faut se déplacer, je l’emmène pour ne pas la laisser seule et au lieu comme je l’aurais désiré de m’aider, elle reste dans l’auto à m’attendre en dormant. De sorte que lorsqu’il aurait fallu aller aux archives départementales pour pouvoir continuer où nous aurions du partir le matin et manger là-bas pour avoir plus de temps à rechercher, madame refuse de venir. J’ai du arrêter avec la consolation d’être remonté assez loin (1725), c’est déjà pas mal. Il n’y a plus d’état civil, il faut rechercher dans les églises et c’est parfois très mal écrit et manque de renseignements.

            Au bout de sept années, c'est-à-dire à l’âge de 65 ans, je constate du jour au lendemain un petit changement dans mon état physique, pas catastrophique, ais une petite lassitude et un peu moins volontaire au travail, bah ! On s’y fait très bien.

            Depuis l’histoire de la Paget, madame a une femme de ménage et a tendance à se laisser vivre. Ce n’est déjà pas marrant une vieille fille avec ses manies. J’ai supporté et je supporterai puisque je voulais une compagnie quelque en soient les conséquences, j’assume. Je lui ai peut-être accordé trop de faveur en somme, trop gâtée. Certes, elle est très soignée, je dirais même à l’excès. Côté intelligence, c’est un très petit cerveau qui ne s’est pas développé. Elle ne s’intéresse à rien, ne joue à aucun jeu, ne lit pas et à la télé s’endort devant le petit écran, comment discuter avec elle, nous n’avons aucun sujet de discussion. Résultat, je n’ai pas une compagnie mais seulement une présence, je ne dois pas compter sur elle pour me distraire. En plus, elle a horreur d’aller visiter tout ce qui est art et compagnie.

            Lorsque les petits enfants viennent en vacances, je dois m’occuper de tout, toilette et bouffe.

            Les relations avec la famille du coin se distendent. Les frères et la sœur ont des enfants et petits enfants et n’ont pas le temps de s’occuper de ceux qui n’en ont pas ici. Certes, si on les invite, ils acceptent.

            Les relations avec les voisins sont bonnes dans l’ensemble mais comme tout le monde sont victime de cette foutue société qui a basculé dans l’indifférence, l’insouciance et le chacun pour soi.

            Je me souviens avoir invité quatre couples de voisins pour un apéritif ou du moins pour le champagne. Tous ont accepté, l’ambiance parfaite, ils sont repartis très gais. Je pensais que quelques-uns auraient remis ça, or, cinq, six ans après, toujours rien. Je me demande pourquoi ? J’ai peut-être placé la barre trop haute en donnant trois bouteilles de bon champagne et que cela leur reviendrai à trop cher ? Je pense que chacun doit faire en fonction de ses moyens et non pas en fonction de ce que l’autre a fait. Ce qui compte c’est d’entretenir l’amitié entre voisins.

            D’autre part, je n’ai pas comptabilisé les services rendus à la famille comme aux voisins. Je suis un personnage qui ne sait pas dire non lorsque on me demande un service. Je ne compte pas les kilomètres parcourus et les litres d’essence dépensés pour eux car tous les services rendus sont entièrement gratuits. J’avoue aussi que je suis très heureux de rendre service, si ce n’était pas un plaisir, il ne faut pas le faire. Je déplore l’individualisme.

            Voilà dans quel pétrin je me trouve. En dehors d’aller à Nantes dont les voyages s’espaceront avec la montée en âge des petits enfants, et les visites que les Nantais nous accorderont, il y a beaucoup d’espace pour la solitude. Ce qui quelques années plus tard m’amène à composer un poème sur la solitude que voici :

 

 

LA SOLITUDE A DEUX

 

 

            Solitude                                                          Les joies de l’un

            Mot lugubre                                                    Pour l’autre ne sont rien

            Aux oreilles cogne                                           Les peines de l’un

            Dans la tête résonne.                                       Pour l’autre ne sont rien

                                                                                  L’un se dévoue pour l’autre

            C’est vivre seul sans l’avoir demandé   Sans le juste retour des choses.

            Ayant perdu sa moitié

            De la société rejeté                                          Il est des instants de déprime

            Pour être incomplet.                                        Où le besoin de se confier à un intime

                                                                                  Se heurte à l’égoïsme.

            Pour supprimer une solitude                             À la solitude, conduit l’individualisme

            Unir deux solitudes                                         

            A chacun ses habitudes                                   La pitié de l’un

            Hélas ! A deux la solitude                                Fait le bonheur de l’autre

           

            Rien de commun                                             L’ingratitude de l’autre

            L’un s’intéresse à tout                          Fait le malheur de l’un

            L’autre à rien

            Aucun sujet de discussion commun                  Nos deux solitudes cheminent en

            Deux étrangers juxtaposés                                                                  parallèle

            Ne parlant pas la même langue.                       Rien de commun entr’elles,

                                                                                  Rien dans une cervelle

                                                                                  Sinon la maladie du sommeil.

           

 

            Depuis mon opération, je hais les repas de famille qui consiste pour moi à regarder les autres manger et boire. Je reste de cire, je ne participe pas à la fête et je souffre beaucoup, je préférerais être seul chez moi mais je ne peux refuser les invitations surtout venant de mes propres enfants et petit enfants, comme pour Noël par exemple. Je me sens un empêcheur de tourner en rond et parfois j’en ai honte.

            Devant une telle situation, un jour j’en prends vraiment connaissance et décide de réagir positivement. A partir de ce jour, je garderai le sourire, je serai avenant avec tout le monde. Je parie de sourire devant un verre d’eau et du pain sec. Je dis, je suis puni et j’assume.

            N’ayant pas de plaisir à la maison, je décide d’aller voir ailleurs. Entendons nous bien, je ne délaisse pas la maison et la marquise mais j’ai besoin de gentils sourires au long de ma vie.

            Il faut que le long de ce chemin je trouve des oasis, ces endroits où on trouve un peu de fraîcheur tout en se désaltérant. J’ai toujours apprécié la compagnie des femmes et c’est de ce côté-là que je me dirige. Le hasard fait bien les choses. Je ne vais raconter ni énumérer toutes les petites femmes qui ont égayé mon chemin, j’en ai beaucoup parlé dans le livre de ma vie (tome IV).

             Peut-être la chance d’habiter près d’une école, je remarque une maman qui vient conduire et rechercher son enfant et cela tous les jours. Mes dons de psychologue vont me servir.

Cette dame s’ennuie chez elle seule, la vie est mal faite quand même. Alors qu’elle passe devant la cour, je me suis arrangé pour y être, je lui dis bonjour et elle me répond très gentiment. Le contact est établi. Nous avons des sujets de discussion sur tout, fleurs, loisirs et culture. J’irai plusieurs fois chez elle prendre un thé et parler parfois plus d’une heure, elle viendra aussi à la maison, même avec son mari et au jour d’aujourd’hui nous avons encore des contacts. Ca change de ma marquise.

Les mamans de l’école deviennent ma cible et j’en connaîtrais pas mal dont une particulièrement qui nous a adoptés avec juste retour des choses.

C’est inouï ce que ces jeunes femmes qui acceptent de côtoyer un vieux peuvent agrémenter la vie de quelqu’un. Tous les matins, des sourires, des rires, des blagues, c’est réchauffer le cœur pour la journée entière et la vie est plus belle, c’est donner le plaisir de vivre.

 

FLEURIR SON CHEMIN

 

Le monde extérieur change                              Accueillir les jeunes souvent                

Avec lui, changes.                                           Comme on fleurit son appartement.

 

On ne peut retrouver sa jeunesse                     Rester en retrait d’eux                         

On peut prolonger sa jeunesse.                        Tout en étant près d’eux.

 

Vivre l’amour de son temps                             Suivre l’événement

Et non celui de ses vingt ans.                            Ecouter attentivement.

 

Compenser le visage fané                                Etre au service de l’autre

Par une jeunesse d’esprit.                                Réconforter l’autre.

 

Avec l’expérience de l’âge                              S’occuper le corps et l’esprit

Démontrer qu’on apprend à toute âge. Ce que le médecin n’a pas réussit.

 

Apporter son savoir                                        Ne pas croire que nos tâches sont terminées

A ceux qui croient tout savoir.              La durée de vie est indéterminée.

 

S’approcher des jeunes de maintenant Vivre avec ses bons souvenirs

C’est retrouver l’âme de ses vingt ans. Les mauvais les occire.

 

 

            Les mamans des écoles, c’est comme le vin, il y a des années de bon cru et des mauvaises. Une année, par exemple pas une seule n’a dit bonjour que des pétasses qui ne doivent pas aimer les vieux. Certaines, après des années sans se voir, au hasard des rencontres arrêtent pour me dire bonjour et faire un brin de causette. Sans vouloir être mauvaise langue, je dois dire que la discussion avec elle est plus gaie que avec les vieux de notre âge.

            Ce n’est pas marrant de rencontrer des vieux, même des anciens copains :

- Bonjour louis, comment va ?

- Bonjour Jojo, comment va ?

Et c’est parti et de raconter tout ses maux. Moi, j’évite d’en parler, je réponds simplement :

- Que veux-tu, à notre âge on ne guérit plus, on stabilise le mal et les nouveaux maux s’ajoutent, il faut en prendre son parti, il faut faire avec.

            D’autres ne font que de parler d’eux-mêmes et de leurs enfants et n’ont même pas la politesse de t’écouter si tu arrives à placer une parole. Tous n’ont comme discours que leurs problèmes comme si les autres n’en avaient pas.

            Alors j’ai écrit un poème sur la vieillesse et sur le mouroir que voici :

                        LA VIEILLESSE                                          LE MOUROIR

 

Avec la vieillesse, la vie va tant bien que mal  Entreposés pour finir leurs jours

On ne guérit plus le mal                                      Les restes de ce que furent des êtres forts

Au mieux, on le stabilise                                     Dans une pièce où plane l’ombre de la mort   De nouveaux maux s’ajoutent aux précédents Pour un plus ou moins long séjour.      

Comme l’addition fait une somme

L’être se démoralise                                           Les facultés déclinent jour après jour

Le bateau fait eau de toute part                           Un mur antibruit s’érige

C’est le désespoir                                              On devient sourd

Pour soulager sa souffrance                                C’est le silence perpétuel

On voudrait la faire partager                               Un épais rideau se tire

Pour cela en parler                                             On a perdu le jour

Mais les litanies n’intéressent personne    C’est la nuit éternelle.

C’est comme une recette ratée d’avance                    

Aucune chance.                                                   Plus besoin de carillon pour égrener les heures                                                                       Plus besoin de calendrier pour situer le jour

Lorsque vient la sénilité                                        Plus besoin de visite pour agrémenter le séjour

C’est l’errance dans la cité                                  Plus besoin de menu, le repas n’a plus d’odeur

Comme la taupe sortie de son trou                       Plus besoin d’ouvrir la bouche on a perdu la

N’a pas de garde-fou.                                                                                                   Saveur.

 

Les articulations craquent, coincent, crient            Là, prostrée, au stade de fossile

Comme la vieille grille rouillée du cimetière    Le menton sur le nombril

                                                      Abandonné.  Le reste de ce qui fut une femme gracile

Prothèses et canne aident à se déplacer               Comment imaginer une reine de beauté

Mais la colonne plie.                                            En cette figue desséchée.

 

Déchets de la société                                           Ici, le reste de ce qui fut un homme

On rechigne à les soigner                                     Du spectre en est la copie conforme,

Deviennent des encombrants                               Dans ce qui fut un sexe, une sonde

Or, que fait-on des encombrants ?                       Pour le cul une couche en guise de bonde

Ils sont portés à la déchetterie                  Une aiguille dans ce qui fut une veine

Ainsi disparaissent des êtres                                Pour nourrir un corps dont l’espérance de

Autrefois solides et chers                                                                                vie est vaine.

Solides comme des récifs bravant la tempête

Maintenant épaves gisant sous terre.                    Qui étaient ces êtres décharnés, déformés ?

                                                                           Peut-on imaginer des ancêtres forts, beaux

La vieillesse, c’est le mur qui s’écroule                                                            et gais ?

Et la ruine c’est l’isolement                                  Peut-on vivre en ce monde

Les ruines en pierres se restaurent                        Alors qu’ils sont coupés du reste du monde

Et prennent un nouvel essor                                 Plutôt des survivants dans un autre monde

Celles des êtres humains                                      Quelle image garderont en leur mémoire

Disparaissent sans lendemain                               Les petits enfants venus les voir ?

Parfois dans le dénuement.                                  Les prolonger est aussi raisonnable

                                                                           Que d’arroser les racines d’un candélabre.

            Evidemment, ce n’est pas très réconfortant mais c’est peut-être ce qui nous attend. Il faut donc en son vivant profiter au maximum de la vie en la rendant la plus agréable possible.

            On peut rencontrer des oasis sur notre route, pas des oasis de verdure, mais des personnes qui remplissent le même rôle, c'est-à-dire avec qui on retrouve la fraîcheur de la personne qui nous rempli le cœur de joie et de bonheur pour au moins la journée et si possible les jours suivants.

            Personnellement, j’en ai découvert plusieurs au hasard du chemin et je ne pourrai jamais les louanger assez tant elles m’ont apporté de bonheur dans ma vie de tous les jours. Comment aurais-je pu penser que des jeunes femmes comme celles là auraient pu être aussi gentilles avec un vieux bonhomme comme moi, c’était impensable. Maintenant, je ne peux pas dire que tous les jeunes n’aiment pas les vieux, mais il faut les trouver, il faut aller au contact, certes cela ne réussit pas avec tout le monde.

            Avec qui et où peut-on rencontrer ces personnes ? C’est évidemment dans les occupations de la vie courante.

Exemple : je sors de chez moi, la route n’est pas très passagère en piétons et souvent ce sont des personnes qui baissent le nez pour ne pas vous voir. Il y a en face un groupe scolaire, de la maternelle au cm2. Des mamans viennent conduire et rechercher leur progéniture. Il suffit d’être présent aux heures de la rentrée et de la sortie. Un petit mot adressé aux bambins peut amener la maman à parler. Bien sûr, toutes ne mordent pas à l’hameçon, mais si on est un tout petit peu psy, on ne s’adresse pas à n’importe laquelle. Dans l’ensemble cela ne m’a pas trop mal réussi. Une de ces mamans est entrée dans ma vie. Nous la considérons comme une petite fille, elle est à nos petits soins lorsque c’est nécessaire. Nous avons d’ailleurs adopté toute la petite famille et nous, nous fréquentons régulièrement.

            Il y a les promenades, mais là, ce n’est pas évident, les trois quarts des gens rencontrés ne disent pas bonjour ou ne répondent pas à votre geste de politesse et je ne pense pas que ce soit parce que nous sommes vieux, c’est plutôt par mentalité.

            Il y a les courses, vous entrez chez un petit commerçant comme par exemple un boulanger et il y a plusieurs personnes :

- Bonjour Messieurs et Mesdames.

Rarement quelqu’un répond et même parfois, tout le monde se retourne pour regarder l’intrus. Ce n’est donc pas à la clientèle qu’il faut s’adresser.

Reste les patrons et les employés du commerce. Soyons psychologue pour ne pas se fourvoyer. Si je pense que j’ai une chance d’établir une bonne relation, il faut attaquer prudemment et d’une façon anodine. Si elle a un badge et que la chance veut que son prénom ne soit pas très courant, par exemple :

- Tiens ! Jenny, ce n’est pas très courant comme prénom.

Normalement, elle vous regarde gentiment en souriant et donne quelques explications et c’est parti. Tous les jours en venant au commerce vous l’appelez par son prénom elle en est bien contente, la glace est rompue, ça devient un plaisir de venir.

            Mais, c’est dans les grandes surfaces que se trouve une pépinière de gentilles petites femmes et jeunes filles. Il faut saisir le petit rien qui se présente à votre esprit. Les petites caissières apprécient que l’on s’intéresse à elles, elles n’ont plus l’impression d’être des robots de caisse mais des êtres humains au même titre que les clients, elles en sont flattées.

Nous avons eu l’occasion d’aller au mariage de deux petites caissières. Evidemment, nous sommes bons pour la corbeille de fleurs, le petit cadeau à la naissance du bébé et au jour de l’an, mais c’est si agréable de voir parfois des gamines de moins de vingt ans venir vous faire la bise, tout comme les jeunes femmes mariées, de leur offrir un petit café à la buvette de la galerie marchande et de garder des contacts en dehors du commerce. Il en est de même avec toutes les employées de tous commerces à tel point que tous les jours il y a une grande chance de rencontrer une petite muse comme je les appelle, c’est du bonheur pour le reste de la journée.

            Certaines disparaissent par non renouvellement du contrat mais au hasard des rencontres viennent faire la bise comme par le passé. Il y a même des étudiantes qui viennent comme caissières le samedi et pendant les vacances pour se faire de l’argent de poche ou payer leurs études, c’est très beau de leur part. dans l’ensemble elles mordent bien à l’hameçon.

            A l’intention de toutes ces petites femmes j’ai composé un petit poème :

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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 15:53

 

Que ce soit

Virginie, Simone et Géraldine

Patricia, Stéphanie et Martine

Annie, Cathy et Carine,

Toutes sont belles

La gentillesse est en elles,

La joie de vivre émane d’elles

La chaleur humaine se dégage d’elles,

Arme secrète : le sourire

Merci mes Muses.

 

Leur gentillesse envers mon âge

A vivre m’encourage,

Le sourire du matin

Pour la journée est un gage

De bonheur jusqu’au lendemain.

Merci mes Muses.

 

Le bonheur de converser avec une jeunesse

Fait oublier la vieillesse.

Pour écrire, elles m’inspirent,

En elles, l’air pur, je respire.

Merci mes Muses.

 

Face à leur ravissant visage

J’oublie mon âge

Le temps et ses outrages

Me consacre à l’ouvrage

Ecrire, rêver, vivre sur un nuage.

Merci mes Muses.

 

Elles me font rêver,

Savourer le fond du verre

Avant la mise en bière

La potion est moins amère.

Merci mes Muses.

 

 

 

 

            S’il me allait les énumérer, ce serait :

Simone, Géraldine, Katy, Cathy, Aurore, Virginie 1,2 et 3, Catherine, Séverine, Sylvie 1 et 2, Gaèlle, Véronique 1 et 2, Patricia, Magali, Karine, Carine, Jessica, Florence, Annie, Hélène, Jenny, Emilie, Fabienne 1 et 2, Yveline, Claudine, Julie, Nina, Corinne, Eliane, Cristelle, Carole, Aurèlie, Sandrine 1 et 2 etc… J’en oublie sans doute.

 Cependant quelques-unes sont entrées profondément dans ma vie, comme Géraldine. Je l’ai connue depuis ses débuts en caisse, il y a une vingtaine d’années. Personne jolie et très affectueuse et moi, toujours en recherche d’affection, ça ne pouvait que bien se passer. Elle est devenue la fille que je n’avais pas, nous avons maintenant des relations très affectueuses, disons familiales. Katy, petite maman de l’école, adoptée également comme petite fille ainsi que Aurore à qui nous sommes allés à son mariage, fleurs et cadeau à la naissance du bébé etc…

            Très sincèrement, si j’ai ce moral, c’est grâce à elles, c’est un formidable élixir et je les en remercie de tout mon cœur.

            Nous avons retrouvé avec bonheur un adorable petit couple en la personne d’une nièce et de son mari, Jacqueline et Alain, neveu et nièce du côté de ma première femme. Ils sont gentils, dynamiques et gais avec qui nous avons des relations assez régulières et j’en suis très heureux.

            Quand aux relations avec l’autre monde, ce n’est pas toujours marrant. Une fois que nous étions à prendre l’apéritif chez les voisins d’en face, arrive le frère du voisin et un grand copain à eux. Je ne me souviens pas lequel engage la discussion sur les vieux. Toujours est-il qu’on nous reproche de manger l’argent de leur retraite, que nous coûtons cher à la société. N’en pouvant plus, me tournant vers eux :

- Si il y en a de trop, il faut les tuer.

- Oh ! Pas quand même.

            Ils ont changé de sujet mais j’ai fait un poème traitant des retraités car tous les vieux étant en retraite sont bien considérés comme tels.

            Je ne me souviens pas en quelle année, mais il y a eu une période où les vieux on tété mis à l’index, ils avaient tous les torts, on en parlait et pas en bien dans les journaux écrits comme télévisés, ce n’était pas beau de leur en vouloir à ce point. Le calme est revenu mais de temps à autre il y a un petit quelque chose. Il y a deux ou trois jours, à la suite d’un accident, à la radio, j’ai entendu :

- Pour les conducteurs âgés, il faudrait faire quelque chose.

 

 

LA TRANCHE D’AGE QUI DERANGE

 

Qui sont-ils ces pestiférés ?                                  Créer un conflit de générations

Tout simplement les retraités                                 C’est mettre en joue des cibles vivantes

Piliers de restaurants                                             Les tireurs font légion

Dévoreurs de médicaments                                   Devant ces cibles attirantes ;

Accoutumés des voyages organisés                      Il y a toujours un troupeau de moutons

Ont la vie trop aisée                                             Pour suivre celui qui bêle le plus fort

Sont toujours dans nos pas                                   Ca soulage les neurones

Le problème des retraites posé,                            D’accuser les autres à tort.

On tourne la tête de leur côté                                Après la joie de vivre

Ces ingrats vident les caisses de l’Etat       Ne leur ôtez pas le plaisir de vivre. (2)

Dilapidant l’argent des actifs.

                                                                            J’ai souvenance

Encore eux                                                           Que dans mon enfance :

Les vieux                                                             Avoir souri

Mot auquel s’associe trop souvent un autre           Avoir pleuré

                                                  Mot : C..            Avoir admiré

Trop de victimes dans les accidents de la              Etre enchanté

                                                        Route           Etre admiratif

De nouveau on tourne la tête de leur côté              Etre bouche bée

Ils sont coupables sans aucun doute                      À la veillée au coin de l’âtre, parfois très tard

Lorsque dans un accident un vieux en est              Ecoutant les histoires racontées par nos braves

                                                    L’auteur.                                                                     vieillards

Evidemment, à cet âge là, c’est l’horreur ;             Quel admirable esprit de famille

On suggère des mesures pour les brimer,              On nous enseignait le culte du respect de la

On a déjà des maisons pour les cacher                                                    personne âgée.

On devrait, une visite leur faire passer (1)

On devrait, le permis, leur faire repasser               À méditer :

On devrait, le permis, leur supprimer         Lorsque l’on met un être humain à l’index

On devrait, la voiture, la confisquer                       Il faut peu de temps pour faire l’unanimité

On devrait, à l’hospice les interner                        Ca enfle et ça peut aller jusque l’extermination

 

Attention !

A vouloir trop éliminer les mauvaises herbes qui prolifèrent

Plus rien ne pousse dans la terre.

 

 

(1) Façon de rejeter la responsabilité sur le docteur qui, lui, pour ne pas l’endosser donnera un avis défavorable. (Par expérience personnelle pour un autre cas).

(2) Le plaisir de vivre, c’est garder sa place dans la société.

 

 

            Tout ce que j’écris est certes basé sur ma vie, sur des faits divers. J’ai raconté cette vie en trois volumes et puis, étant toujours là, j’en ai commencé le quatrième. J’écris aussi des cahiers où figurent des histoires courtes en partant de faits réels et enjolivés.

            Quant à mes poèmes, certains sont partie prenante de ma vie mais aussi parfois inventés et aussi en fonction des évènements, de l’actualité, etc…

            Me considérant toujours en sursis depuis trente six ans et malgré ma philosophie, cela ne m’empêche pas d’avoir un coup de blues, un état de langueur qui se manifeste de la façon suivante : alors que des oasis soient là, le rire ne vient pas et on a tendance à croire que ce sont les autres qui sont moroses, on ne met pas de cœur à ce que l’on fait. En Septembre 97, j’écris le poème suivant, qui relate assez bien mon état d’esprit du moment.

 

JOUR SANS

 

Ce devrait être un jour gai

Le soleil brille, c’est encore l’été

Hélas ! Je ne le vois pas

La tristesse s’empare de moi

La voûte céleste s’écroule sur mon toit,

Je suis enseveli sous un monceau d’ennuis,

Tout est noir.

Pourquoi soudain ce dégoût de la vie ?

Pourquoi tant de susceptibilité ?

Pourquoi se créer des soucis ?

Les déboires à répétition

Ne sont peut être que punition ?

La fin d’une certaine amitié

Est peut-être seulement imaginée ?

Cette santé toujours branlante

Année après année

En voici bientôt vingt huit de passées

En équilibre sur la branche de la vie.

Lutte quotidienne, jour après jour,

Fanfaronnant, jouant du calembour

Simulant la joie de vivre,

Je me sens parfois bien seul

Vais-je devenir un être veule ?

Comment revenir vers l’allégresse ?

La visite inopinée pleine de promesses

Le sourire d’un être attachant

Une compagnie affectueuse

Le petit rien qui remet le baume au cœur

Allons secoue-toi, reviens sur terre

Tu dois terminer ton œuvre

                Mea Culpa ?

 

            Une chose est certaine, écrire ceci soulage, c’est comme se confier à un ami. De plus, maintenant, lorsque j’ai un coup de blues, je me secoue et me dis :

Allons ne tombe pas dans la morosité, deux ou trois jours comme ça et tu prends un coup de vieux, nom de dieu du moral.

            Je souris et je vais en quête de rencontre agréable et le tour est joué. Je reprends le sourire du bon vieux pépère.

            J’ai toujours eu la passion de m’intéresser à tout ce qui se passe, malheureusement je ne peux pas tout retenir mais il reste toujours quelque chose, c’est ce que l’on appelle la culture.

            Ce n’est pas que j’aime être flatté, mais dernièrement, une charmante personne me disait :

- J’adore être avec toi car lorsque tu parles d’un sujet, tu sais beaucoup de choses, je bois tes paroles et j’essaie d’en retenir le plus possible.

Et moi, j’aime discuter avec quelqu’un qui connaît aussi je sujet de discussion, on pousse à fond et c’est très agréable.

            Comme distraction, nous avons eu pendant quelques années la compagnie de cousins un après midi par semaine où nous allions se promener. Ils demeuraient à TOURLAVILLE, alors au début, si c’était notre tour d’aller chez eux, ils nous emmenaient en voiture jusque un endroit déterminé dans le VAL DE SAIRE, par exemple à SAINT-VAAST. Là nous garions la voiture, petite promenade à pied et café dans un bar puis retour chez eux où nous reprenions notre voiture. Dans l’autre cas, la promenade se faisait dans la HAGUE sur le même topo.

            Au bout de quelques petites années, ils ont trouvé que ça revenait à trop cher et la promenade ne se fait plus que à pied. Ce n’est plus la même ambiance et cela se termina assez vite.

 

            Des anciens copains du MESNIL AU VAL, ont eu l’idée de réunir les anciens de la commune pour les soixante ans et les soixante dix ans et puis plus rien pour la raison très simple que les rangs se sont très éclaircis.

 

            Une des mamans de l’école est entrée plus particulièrement dans ma vie, c’est Katy. Un jour, elle me dit que son petit Damien ne va pas fort à l’école. Etant en redoublement de CM1, elle est allée voir la maîtresse pour avoir des précisions. La situation est catastrophique, à la question de Katy :

- Qu’est-ce que je pourrais faire ?

- Rien, attendre le déclic.

            Lorsqu’elle me raconte cela, je me dis, ce n’est pas possible, je connais bien le petit bonhomme, il est très intelligent, il y a sûrement quelque chose à faire.

- Ecoute Katy, demande à ton mari si je peux le prendre le soir pour l’aider à faire ses devoirs, et ce, pendant deux mois, on verra ce qu’il en est.

            Les parents sont d’accord et je commence dés la mi-Novembre.

            Constat : le gosse ne sait pas lire, il faut commencer par là, ça viendra assez vite. Il progresse bien, mais le retard est considérable. Il a confiance en moi et met de la bonne volonté. J’ai demandé à le prendre une heure les mercredis et les samedis matin pour essayer de refaire une partie du retard. Refus des parents, il faut qu’il se repose ; dommage. Je l’ai suivi jusque son entrée en sixième. Il n’était pas prêt pour la sixième comme la plus part de ses camarades.

            C’était une très bonne occupation et qui m’a demandé beaucoup de travail de préparation et de correction, mais c’est un travail passionnant, si je l’avais su plus tôt, je me serais proposé pour venir à l’école le soir pour aider trois ou quatre élèves, maintenant à 82 ans ce serait trop dur.

            Dans le même temps, une petite caissière de chez Leclerc, devenue une grande amie, ayant sans doute entendu parler de mon aide à Damien, me demande d’aider son fils à préparer un concours d’entrée dans les agents de police. Je n’ai pu refuser et je me suis retrouver trois fois par semaine, l’après midi de 14h à 16h30 avec un autre élève. C’était dur, des cours complètement inconnus de moi à préparer, le programme est vaste et de plus faire des tests. Heureusement ma petite fille qui est dans l’édition m’a trouvé les manuels correspondants. Cela a duré à peu près un an. Il a fait des progrès, mais n’a pu être pris pour des raisons personnelles que je ne peux révéler. Il m’a remercié et dis : j’ai appris beaucoup de choses avec vous, ça fait toujours plaisirs.

            Ce sont deux années dures mais Ô ! Combien exaltantes que je ne regrette pas. Evidemment, comme toujours services gratuits, tout comme l’achat de livres, le papier, et photocopies etc…

            Il serait peut-être temps à 82 ans de faire le point :

Santé : Guère plus mal. Tous les matins, en franchissant le seuil de la porte, j’affiche le tout va très bien Madame la Marquise et je pars confiant, j’en suis parfois étonné car la vérité est tout autre. On me dit souvent :

- Vous avez de la chance, vous n’avez rien.

- On fait avec (avec un gentil sourire)

Et oui ! Le matin, il faut dérouiller les articulations, chevilles, talons, genoux, dans les doigts, sans oublier les lombaires et les cervicales car l’arthrose est là si on n’y prend garde et c’est la petite séance de gymnastique pour éviter le kiné etc… Parfois des crapauds dans la gorge, bien sur d’autres maux s’ajoutent aux précédents, depuis quelques années :

 Le nez. Après une hémorragie nasale à Boucau, en vacances, on m’a fait une cautérisation par laser et depuis ça, des croûtes poussent, il faut des soins réguliers.

Les yeux, là aussi des soins réguliers trois gouttes matin midi et soir (à vie), avec visite à l’ophtamo tous les six mois.

 La tension, traitement à vie, petites pilules dont, une, fait uriner (prévoir les arrêts pipi)

 La surdité, appareils dans les oreilles.

 Et puis comme tout le monde, les rhumes et autres imprévus.

Tout cela s’ajoute aux autres ennuis :

            Pancréas (traitement à vie).

            Epaules, à maintenir au chaud.

Ah ! J’avais oublié les hémorroïdes de puis mon âge de 22ans avec opération et piquées trois fois et maintenant l’anus en fleur.

Ca commence quand même à faire pour un seul gars.

A part ça, tout va très bien et j’en suis ravi. Un jour mon poissonnier me dit :

- Comment vous faîtes pour rester souriant et gai avec le régime que vous avez ?

- C’est tout simplement l’envie de vivre et de profiter de la vie le temps que je peux.

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