Prologue
Dans nos provinces, dans chaque famille ou l’un des membres décédait, la coutume était de veiller le mort. C'est-à-dire de ne pas le laisser seul jusque son départ pour la cérémonie à l’église. Parents et amis se partageaient la veille avec au minimum deux personnes ensemble, jamais une seule, plus à la rigueur. Le plus souvent c’était pour une nuit entière en fonction des personnes disponibles. D’une façon générale, ce n’était pas gai et la nuit paraissait interminable malgré les coups de café fort.
Le défunt
Dans la pièce principale de la maison qui servait de cuisine, de salle à manger et de chambre car il n’y en avait pas beaucoup, juste deux pour les enfants, un débarras faisant office de cabinet de toilette et à droite l’escalier pour accéder au premier. Tout au-dessus le grenier dont l’entrée se faisait par une trappe à l’aide d’une échelle, toute une gymnastique.
En entrant, on se trouvait devant le lit, près duquel se trouvait un chevet où table de nuit comme on l’appelait le plus souvent. A droite, une grande table avec en bout le siège du père, (patron à l’époque où il régnait encore) et derrière lui l’évier. Un banc de chaque côté de la table. En bout du lit un meuble pour ranger la vaisselle
Le mort reposait sur ce lit vêtu du costume du dimanche, celui qu’on ne mettait que dans les grandes circonstances, c’était de coutume, il devait partir avec. Mains jointes sur le ventre, visage blanc, certes, mais emblait si calme, ayant oublié tous les soucis de la vie quotidienne. Il semblait se reposer en paix après une vie laborieuse.
Contrairement à beaucoup d’autres, ceux qui étaient enterrés en passant par le service religieux, pas de récipient d’eau bénite ni de branche de laurier pour bénir le corps. Suivant ses dernières volontés, enterrement civil. Vieux laïque, le curé n’était pas de ses amis.
On ne sait pas exactement pourquoi il avait mis fin à ses jours. Ho ! bien sur, dans le village chacun croyait tenir la vérité et les potins par le bouche à oreille se répandent très vite tout en se déformant à chaque transmission jusqu’à frôler la délation.
Une chose certaine, il boitait bas à la suite d’une blessure de guerre en 1914 et souvent disait en faisant des grimaces :
- J’ai mal à ma patte ou ma patte me fait mal.
Il s’asseyait pour récupérer un peu ou rentrait à la maison en attendant que cela aille mieux.
Les bruits disaient autre chose, sa femme était très dure avec lui, et le privait de sa petite goutte dans son café, elle cachait la bouteille, elle rouspétait souvent après lui, mais de là à se suicider ?
Le pire c’est que, elle ne se gênait pas pour le faire en face de ses enfants ou des gens, doublement vexant pour quelqu’un qui avait de l’autorité autrefois.
Pas souple le pauvre vieux et pourtant il avait escaladé l’échelle pour accéder au grenier dans lequel il s’était pendu sans laisser d’explications. Il disparaissait en silence sans dire adieu.
La famille prévenue accourait en fonction de leurs occupations. On essayait de trouver la raison de son geste mais rien ne venait à l’esprit. C’est difficile quant on ne se rend pas compte de la dureté de ses gestes ou de ses paroles au moment où elles sont prononcées. Personne ne se sent coupable et le mystère ne sera jamais éclairci. Après tout n’était-il pas un peu dépressif ?
Les voisins défilent pour présenter leurs condoléances et offrir leur aide si nécessaire. Certains s’offrent pour veiller. Alors la patronne qui a maintenant tous les pouvoirs établi la liste et les heures pour les deux nuits. On essaye de concilier mais la façon dont c’est dit, cela ne permet pas de discuter beaucoup. Dans la famille, pas beaucoup ne sont chaud pour la corvée, et c’est comme ça que pour la deuxième nuit de veillée, deux beaux frères se retrouvent ensemble avec deux voisines pour passer la nuit, de neuf heures du soir à sept heures du matin.
Les préposés à la veillée
Tout d’abord, les deux beaux frères. Ils ont épousé les deux sœurs et sont encore bien jeunes, vingt six et vingt huit ans.
Tout d’abord : Robert vingt huit ans , petit marrant, sans être gros est un peu dodu, bonne bouille ronde, aime vivre, peut être pas un grand séducteur et on se demande si sa femme est très amoureuse, bah ! Il a l’air de s’en contenter.
Pierre, vingt six ans a épousé la cadette, plutôt un tantinet séducteur sans pour cela aller voir ailleurs si c’est mieux sa femme a l’air d’être plutôt amoureuse aussi de sorte que rien ne permet de penser à autre chose.
Quant aux deux voisines, ils les connaissent, disons un peu, juste pour dire bonjour sans avoir jamais tenu une discussion à bâtons rompus. Au point de vue âge, peut-être à peu près d’âge égal aux alentours de la cinquantaine, pas facile à dire, mais bien conservées.
L’une, Amélie, plutôt petite et potelée et ne semble pas engendrer la mélancolie. Une bonne paire de fesses, une poitrine du genre opulente sans exagération, de quoi peloter pour son mari. Lui ! Parlons-en un peu, parce que c’est tout le contraire d’elle, grand, très grand et mince, ce serait marrant de les voir faire l’amour, il doit se casser en deux, couchés l’un sur l’autre, elle doit avoir le nez dans les poils de la poitrine, pas facile pour lui prendre les lèvres. Il est un peu taciturne alors que elle semble bien gaie, Bah ! Ca doit s’arranger puisqu’on n’en parle pas dans le voisinage.
L’autre, Angèle, plutôt grande sans exagération non plus, un peu mince, pas mal du tout, par contre elle fait un peu distinguée, on aurait tendance à garder ses distances, sympathique quand même. Son mari ? Alors là, encore un contraste, plutôt petit, en amour, ce serait bien le contraire, c’est lui qui aurait le nez entre les seins, ce serait déjà mieux. Il est assez difficile d’imaginer leurs rapports amoureux, ne pas se fier aux apparences. Il est cadre dans un établissement de la marine. Comme tel, aurait tendance à marquer son rang sans être asocial.
Comme toutes les femmes de l’époque, aiment bien bavarder entre elles pour passer le temps, d’autant plus qu’elles ne travaillent pas (comme il est de coutume, la femme au foyer), pas de télé, pas de voiture, il faut s’occuper comme on peut.
Que sera cette si longue veillée ?
LA VEILLEE
Pour neuf heures du soir les veilleurs et veilleuses sont là. La veuve fait un semblant de présentation puisque tout le monde se connaît, mais ne se saute pas au cou. Tout le temps que la maîtresse de maison est présente, elle bavarde surtout avec les femmes, elle leur donne la consigne pour le café le manger si quelqu’un a faim etc… Puis les deux veilleuses mine de rien la pousse à aller se coucher :
- Mais oui Madame DUVAL, on va se débrouiller, allez vous coucher, vous devez être très fatiguée avec des corvées comme ça.
Après un bonsoir, elle grimpe l’escalier et va se coucher dans l’une des chambres.
Comme par hasard, les femmes sont chacune d’un côté de la table et les hommes aussi, de sorte que Robert est près de Angèle et en face, Pierre près de Amélie.
Oh ! Que c’est dur de créer l’ambiance, quoi dire et que faire, parler, on n’ose. C’est Amélie qui attaque timidement et parle bas.
- C’est un grand malheur.
- Oui, il n’était pas si vieux.
- C’est un coup dur pour la famille.
- Pourquoi il a fait ça ?
Personne ne se livre, ce sont des paroles dites du bout des lèvres comme des gens qui ne pensent pas ce qu’ils disent. Et puis le naturel prend le dessus :
-Et pour vivre, qu’est-ce qu’elle aura la mère DUVAL ?
- Son mari était en retraite, elle en aura la moitié.
- Il ne devait pas avoir une grosse pension.
- C’est toujours mieux que rien.
- Oui, mais ce sera dur.
- Il y en a d’autres qui n’ont pas plus.
- Oui, et puis à la rigueur, elle a des enfants qui ont une situation et pourraient lui venir en aide.
- Je ne crois pas que ce soit la femme à demander de l’aide à ses enfants.
Ce sujet semblant épuisé :
- Si on prenait un coup de café ?
Chose dite, chose faite et Amélie s’en charge.
- Ca fait du bien, il est bien chaud et il est fort.
- Il faut ça pour tenir toute la nuit.
- Moi, en temps normal je le fais moins fort, surtout que j’en bois pas mal.
- Moi aussi.
En faisant signe du menton vers l’étage :
- J’espère qu’elle dort, qu’elle ne nous entend pas.
- On ne parle pas fort.
Et maintenant qu’est-ce qu’on va se dire ? C’est encore Amélie qui attaque :
- Ca ne fait rien, on se demande ce qui l’a poussé à se donner la mort ?
- Ha ! On ne le saura certainement jamais.
- Il souffrait.
Sa femme ne devait pas être si gentille que ça avec lui.
On le dit, mais comment savoir ?
Ce n’est pas pour ça, c’était un bon bonhomme.
- Oui, très bon, rendant service.
- Oui, oui, mais, mais…
- Mais il était autoritaire, d’accord mais…
- Oui, mais sur les fins, elle n’avait pas peur de lui.
Beaucoup de sous entendus, elles voudraient bien en dire plus mais les beaux fils qu’est-ce qu’ils vont penser ?
Les beaux fils ? Ils suivent la conversation et leur visage miment les paroles comme celui des femmes. Ils n’ont pas l’air d’être offusqués, ils se marrent peut être intérieurement.
Le temps ne passe pas très vite parce que la conversation est morose et monotone.
- Si on reprenait un coup de café ?
- C’est ça Amélie allez-y.
Celui-la va dérider, bien arrosé d’un coup de calvados, il va agir.
- J’y pense, elle, elle était hargneuse après lui, elle était peut-être en mal d’amour, avec son handicap il ne pouvait peut-être la satisfaire ?
- Dans ce cas là, elle aurait pu faire comme la BELHOMME.
Devant la mine interrogative des beaux fils, Amélie dit :
On va vous raconter :
Dans le village, il y a une femme veuve avec plusieurs enfants et qui a de la misère à joindre les deux bouts. A côté, un couple de personnes d’un certain âge. La femme est une vieille acariâtre qui ne pense qu’à crier après son bonhomme.
Le pauvre, encore bien conservé n’a plus l’occasion de faire l’amour.
Quoi de plus normal que une femme et un homme privés de relations amoureuses pour une raison ou une autre ne se rejoignent pas quelque soit la différence d’âge si le besoin s’en fait sentir.
Donc, deux ou trois fois la semaine, le vieux mâle franchit la clôture et avec la veuve s’en donne à cœur joie. Seulement la veuve réclame son du. Comme elle a de la misère à joindre les deux bouts, la monnaie sonnante et trébuchante ferait son affaire, mais, le pauvre homme n’a pas accès au porte monnaie. Qu’à cela ne tienne, il va payer en nature, après avoir tordu le cou à une volaille, il l’emporte à sa maîtresse.
Seulement le lendemain matin, sa femme allant soigner les poules comme à l’habitude les compte et s’aperçoit de la disparition d’une poulette :
- Dit donc Philippe, ce matin, il manque une poule.
- Ah ! Il doit y avoir des renards dans le coin.
- C’est bizarre je n’en ai pas entendu parler.
- Ils ne s’annoncent pas à l’avance.
La même opération se répétant assez souvent, la femme s’étonne sérieusement.
- Le renard ne doit pas avoir quatre pattes, il n’y a pas de traces.
Maline, elle monte une surveillance discrète et ce qui devait arriver arriva, le renard à deux pattes fut dépisté. Enorme scène de ménage et le pauvre vieux se trouve complètement prisonnier. Dans le village, l’affaire fût longtemps racontée et enjolivée.
L’ambiance est créée, les deux femmes, se relayant s’excitent pour enjolivé la scène et ça repart pour une autre :
Et la Rosalie avec le facteur, eux ne se cachent pas beaucoup, plusieurs personnes les ont vus.
C’est comme la Germaine, avec son air de ne pas y toucher, le boucher va bien souvent chez elle.
Et ainsi plusieurs autres y passent. Les deux femmes, les yeux vifs, vivent les amours illégaux, s’excitent à en parler, le rose apparaît sur leurs joues. Pierre en fin observateur l’a remarqué :
- C’est très amusant, on ne s’ennuie pas dans le village, presque toutes les femmes ont un amant ou tout au moins prennent du bon temps de temps à autre. Et tout cela ne vous incite pas à en faire autant ?
Tout d’abord, un regard interrogatif, puis une moue.
- Vous Amélie, par exemple, vous n’êtes pas tentée ?
- Je n’y ai jamais pensé et mon mari semble me surveiller, le soir il me questionne sur mon emploi du temps.
- Et vous Angèle, vous n’avez jamais donné un coup de canif dans le contrat ?
- Non, mon mari est trop pointilleux pour son honneur, ce serait une catastrophe s’il l’apprenait.
- Vous n’avez pas à le lui dire, voyez-vous toutes les deux, c’est peut-être l’occasion qui ne s’est pas présentée.
Elles sont un peu gênées, mais pas outrées, cela laisse des doutes. Amélie s’est légèrement tournée vers Pierre et lui vers elle de sorte que les genoux sont bien prêts d’entrer en contact.
- Bon, franchement, vous êtes encore jeunes et surtout bien faites, vous tentez encore, si un beau garçon, assez jeune mâle vous proposait une bonne partie d’amour, vous refuseriez ?
Elles sont écarlates, en pleine frénésie, Pierre établit le contact des genoux et elle le conserve.
- Qu’en dites-vous ?
Elles balbutient plus qu’elles ne parlent.
- Evidemment, ce serait tentant mais jamais une occasion comme ça ne se produira, ce n’est pas la peine d’y penser.
En mettant sa main sur le genou de Amélie, Pierre dit :
- Je vais vous mettre au pied du mur. Je vous propose, si vous jugez que je peux être celui qui pourrait vous faire flancher, de faire l’amour avec chacune de vous deux et immédiatement, votre réponse ?
Pierre caresse le genou en douceur. Elles sont cramoisies. Amélie levant des yeux consentants balbutie :
- Oui.
- Bon, Amélie et mois, nous allons dans le cellier à côté, vous deux débrouillez-vous, après nous ferons l’échange.
Dans le cellier, dans le noir le plus complet, Pierre adosse Amélie sur l’échelle inclinée donnant l’accès au petit grenier, lui colle la bouche sur la sienne pour un bon patin. D’abord hésitante, elle se lâche et en avant et ma langue et ta langue. Elle en raffole. Pierre remonte la cuisse, enlève la petite culotte, pelote ses fesses assez opulentes et bien rondes. Tout y passe, seins voluptueux, et, prise de la citadelle. Elle frémit de tout son corps et se donne à fond.
Pendant ce temps, Robert et Angèle ne pouvaient faire autrement que d’emboîter le pas. Elle allongée sur le banc, les jambes relevées semble apprécier. Certes, ils prennent du plaisir mais ce n’est pas la frénésie de Amélie.
Puis c’est le retour du couple partit dans le cellier. Les mines sont réjouies. Les dames gloussent de plaisir, l’une comme l’autre avec leur mari n’avait atteint un tel degré de jouissance au point que le plaisir dure après encore un bon moment.
C’est au tour du café d’entretenir la forme. On ne traîne pas, vite à la deuxième phase.
Pierre emmène Angèle dans le cellier et la plaque sur l’échelle. Il la sent un peu rigide, il faut tout faire pour la décontracter. Alors en avant le baiser fougueux et sans relâche, il la sent mollir, entre chaque baiser, elle reprend son souffle. La main remonte ses longues jambes en douces caresses jusque ses petites fesses. Pas la peine d’enlever la petite culotte, elle ne l’a pas remise. Ses seins plus petits sont adorables et tout comme pour Amélie, la panoplie y passe. Son visage d’ange pudique se transforme. Ses yeux avides de plaisir, ses joues rougies, ses frémissements, tout son corps en redemande.
Elle a sans doute, plusieurs fois espéré autre chose que le coutumier avec son mari, elle réalise un de ses fantasmes.
Insatiable, elle murmure : encore, encore et Pierre obéit, il n’aurait jamais pensé ça.
Tout se termine pour les premières lueurs du matin. Les sourires furtifs sont significatifs, une veillée comme ça, on en ferait bien une par semaine.
Les deux femmes, maintenant complices, se sourient.
- Ca change de l’ordinaire, je n’avais jamais en autant de plaisir.
- Moi de même, pour une gourmandise, c’est une délicieuse gourmandise qui laisse baba…
Mais Angèle se demande si la veuve a pu entendre quelque chose.
La veuve, arrivant les yeux gonflés efface les doutes, elle devait bien dormir.
Les veilleurs font semblant d’être exténués et reprennent un air triste comme si ils l’avaient gardé toute la nuit.
- Vous devez être très fatigués, une nuit entière comme cela.. Grand merci pour votre dévouement. Vous prenez le petit déjeuner et vous partirez après, les suivants ne vont pas tarder à arriver.
Quant au mort, il n’en souffle mot.